Cécile Pâris
Ccileart

Née le 17 mai 70 à vingt-trois heures vingt-cinq
A Bondy Seine Saint Denis
Lieu de résidence : Valence dans la Drôme
Parcours : un peu de publicité, un peu de sociologie, un peu de social
Qualité : aptitude à la rêverie
Défaut : tendance à la rêverie
Technique : feutre fin… très fin
Sujet : entre les lignes.



------------
Réparer les vivants
Un personnage se tient derrière un comptoir. Devant elle, une balance, et des pots munis d’étiquettes, sur lesquelles on peut lire «fleurs de peau, grains de folie, eau du moulin… ». Le personnage, frêle, se fondant presque dans le décor, a un sourire faussement impassible et attend. Qu’est-ce qu’elle attend ? Nous, peut-être, qui sommes pris dans nos habitudes, dans nos défenses, dans nos petits arrangements semi-conscients avec le réel et avec la vie. Surtout, ne pas trop ressentir...

Sous une apparence faussement naïve, sous la précision illustrative de scénettes à la poésie douce-amère, les dessins de CcileArt attendent que l’on se réveille.

C’est l’histoire du personnage récurrent, Marguerite, souvent seule dans une foule arborant le même demi-sourire un peu figé, seule avec son tee-shirt rouge comme un drapeau annonçant : « Moi je vis », et qui attend de trouver un écho, une résonnance, une paillette d’existence incarnée. Dans le dessin souvent l’autre est là, lui aussi potentiellement ouvert, mais les deux personnages ne se rencontrent pas.

CcileArt explore ainsi dans de nombreux dessin la relation, la non-rencontre, et les faux-semblants, avec une absence totale de sentimentalisme faussement adoucie par la fraîcheur des dessins. La précision du trait traduit cette exploration au scalpel du réel de la relation. Objectivement si complexe, si facilement déséquilibrée, comme dans ce dessin où des couples se cherchent et s’accrochent les uns aux autres sans trouver la réciprocité, et pourtant l’espoir est là, obstiné, de pouvoir se tricoter une réalité véritablement partagée.

Les dessins qui représentent le personnage seul constituent une série de variations, comme autant de réponses à la question « comment exister ? » Certains dessins sont légers et humoristiques, comme ce portrait en contre-plongée sous-titré « D’ici on voit beaucoup mieux vos mentons » . Pas de côté, point de vue de l’enfance, poétique mais qui susurre aussi au spectateur comme une manière de défi un peu goguenard, mettant à l’épreuve notre monde d’ « adultes », volontiers plein de lui-même.

La réponse à la question s’affermit au fil des dessins. Dans les premiers il s’agit semble-t-il de tout simplement parvenir à s’extraire du décor, le jeu de rappel des motifs du vêtement et du fond faisant surgir une menace répétée d’engloutissement de toute tentative d’expressivité. La surface se rabat de manière ludique sur la surface, et le personnage peine à « consister », à moins qu’il ne s’agisse d’une stratégie pour passer inaperçu. Dans la dernière série, le rapport s’inverse : Les décors eux-mêmes prennent vie, et offrent au personnage la profondeur d’un refuge, d’un écrin protégeant soigneusement la palpitation du vivant.

Derrière la petite histoire qu’ils racontent, ayant la délicatesse de nous protéger derrière l’illustratif et le narratif, les dessins de Ccileart nous convoquent dans ce que nous avons de plus fragile et de plus précieux, notre intimité.

Isabelle Mullet-Blandin